08.05, 09.05, 12 — 16.05, 19 — 23.05, 26 — 30.05.2021

Pélagie Gbaguidi Bruxelles

Zone de Troc II

installation performative — premiere

Place Sainte-Catherine 45 / Marché place Sainte-Catherine/Sint-Katelijneplein markt

Entrée gratuite | Marché sans Objets se déroule en plein air

Avec Zone de Troc, Pélagie Gbaguidi ouvre un espace participatif où les visiteur·euses peuvent déposer des objets dont iels n'ont plus besoin, en emporter d'autres ou échanger des récits, dessins, secrets et lettres. Zone de Troc imagine des échanges alternatifs à pratiquer durant la crise économique qui succédera inéluctablement à la pandémie du Covid-19. Elle réactive également la possibilité d’interactions avec autrui et à fortiori avec des inconnu·es que la pandémie a fragilisées ou restreintes à un principe d’efficacité. Le lieu investi – un ancien salon de coiffure – se meut alors en incubateur d’idées pour régénérer une écologie de la relation et une nouvelle forme d’économie qui détourne l’ordre établi. Un coiffeur, des musiciens et une lectrice de tarot s’y relaieront durant trois semaines pour y rencontrer le public, et une fois par semaine sera également organisé un marché sans objets à l'extérieur. Pélagie Gbaguidi a inscrit de longue date les formes de productions concourant aux métamorphoses de la société dans sa pratique artistique. Zone de Troc participe ainsi d’une réflexion sur l'échange de biens tant utilitaires que symboliques affranchi d'une économie libérale et monétarisée.

Protocole

Pour Zone de Troc l’idée est de venir avec un objet et un récit personnels, des histoires inédites ou héritées, dans une disposition du don, de l’échange et de la générosité pour vivre une expérience collective partagée. Les récits pourront aussi être écrits sur place dans des registres sur les tables installées. En échange, le visiteur pourra repartir avec un autre objet de son choix (qu’une autre personne aura déposé) le tout en étant baigné dans une atmosphère conviviale. Toutes ces sources narratives constitueront une biologie collective des citoyens et seront mis en circulation pendant le festival, lues, diffusées et exposées dans l’espace.

Caractéristiques de l’objet :

  • plutôt un objet non utilitaire
  • chargé affectivement, non commercial.

La valeur de l’échange réside dans le sentiment de l’élan de générosité et du partage collectif. L’objet de l’échange se présente en étant un objet que l’on a affectionné et que l’on voudrait céder pour un effort collectif afin de créer un projet de société durable.

Fars Coiffure

08 — 16.05, 13:00 — 19:00

Sessions musicales avec Globe Aroma

19.05, 12:00 — 15:00, Naïl Sumbul
19.05, 16:00 — 19:00, Gueladio Ba

20.05, 12:00 — 15:00, Junio Jocol
20.05, 16:00 — 19:00, Moune

21.05, 12:00 — 15:00, Naïl Sumbul
21.05, 16:00 — 19:00, Juliette Lacroix et Docteur C.

22.05, 12:00 — 15:00, Juliette Lacroix et Docteur C.
22.05, 16:00 — 19:00, Moune

23.05, 12:00 — 15:00, Junio Jocol
23.05, 16:00 — 19:00, Gueladio Ba

Lecrture d'algues par Filip Van Dingenen

26.05, 12:00 — 15:00
27.05, 16:00 — 19:00
28.05, 12:00 — 15:00
29.05, 16:00 — 19:00
30.05, 12:00 — 15:00

Lecture du tarot par Celia Lutangu

26.05, 16:00 — 19:00
27.05, 12:00 — 15:00
28.05, 16:00 — 19:00
29.05, 12:00 — 15:00
30.05, 16:00 — 19:00

 

Voir aussi : Bring your kids

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Des récits pour retarder la fin du monde

Pélagie Gbaguidi en conversation avec Lotte Arndt

Pélagie, pour le Kunstenfestivaldesarts 2021 tu proposes un espace participatif intitulé Zone de Troc II. Quelle est la genèse de ce projet ?
Le projet a pris son point de départ en 2019, lors de mes recherches à Kipushi, en République Démocratique du Congo, dans le cadre de la biennale de Lubumbashi. J’y ai rencontré des femmes qui travaillent dans les carrières dans des conditions effroyables, elles cassent les pierres à même le sol, dans la poussière, et les vendent à des prix totalement dérisoires. Je suis alors tombée sur une zone de troc, un marché informel situé entre la RDC et la Zambie. Tôt le matin, les utilisatrices apportent leurs marchandises, les étalent au sol, les troquent ou les vendent. J’ai été sidérée par la sagesse de ces femmes qui vivent dans une précarité énorme et qui dans un sursaut de survie face à la faim, entrevoyaient à travers le troc un mode de préservation du lien social face à la détresse et à la tragédie.       

C’est dans le cadre de ce marché que tu t’es engagée dans un premier troc, qui connectait ce lieu aux itérations futures.         
La rencontre avec ce marché a engendré pour moi une réflexion sensible sur la précarité tant matérielle que humaine ; sur le rapport marchand et les alternatives à l’économie capitaliste. C’est peu de temps après, lors d’une balade dans les rues de Lubumbashi que j’ai troqué une bâche toute neuve que je venais d’acquérir contre une vieille bâche posée par terre et qui avait servi visiblement longtemps comme outil de travail à une fille et sa mère. Cette bâche m’a servi de support ensuite, et a matériellement inscrit un lien avec l’économie précaire de cet endroit dans la suite du projet.     

À partir de cette expérience initiale, tu as traduit et adapté Zone de troc dans différents contextes, toujours soucieuse de soigner les connexions entre les contextes, parfois éloignés les uns des autres.         
Zone de troc s’inscrit dans la continuité de mes recherches sur les formes de visibilité du trauma, et les modes de production qui participent aux métamorphoses de la société. Cette question se greffe à différents contextes, et y active des problématiques spécifiques mais liées. Par la suite, je me suis interrogée sur la notion du don. Et cela m’a amenée à connecter ce geste à des contextes qui élargissent la question de l’extraction et de la production de la précarité par la colonisation et le capitalisme mondial – comme celle de la restitution des artefacts africains à leurs créatrices et créateurs. Une prise de conscience très prégnante a eu lieu à Lubumbashi, ville évidée de ses richesses sur plein de plans. Je vois une filiation entre le pillage des ressources et de la culture. Et puis, le travail a pris forme lors d’un premier chapitre développé sous le titre Quand les girafes demandent une sépulture à la Biennale de Berlin en 2020 avec la collaboration de Lisette Lagnodo et l’équipe curatoriale. Berlin, ville qui a accueilli en 1884-1885 la conférence internationale qui a établi les droits marchands des nations colonisatrices, et qu’on surnommait alors « la conférence du Congo ».       

Le projet prend des formes très différentes, qui incluent des composantes matérielles et relationnelles changeantes. Où se situe l’agentivité du travail ?
Zone de troc est une sculpture thérapeutique. C’est un espace participatif qui engage un processus de transformation personnel et collectif. Il propose par le truchement de la fiction de s’inscrire dans un imaginaire qui tente d’apporter des idées pour régénérer une éthique de la relation, une nouvelle forme d’économie qui passe par des stratégies de détournement de l’ordre établi.       

Quelles sont les problématiques sur lesquelles Zone de troc travaille, d’un contexte à un autre ?         
Nous vivons une époque de précarisation du lien social, de la relation. La ville est déstabilisée. L’habitat est déstructuré. Face à l’ampleur des bouleversements en cours, il nous faut nous mettre à la recherche d’autres formes de lien. Je me pose la question comment habiter le lien. Nous devrons réfléchir à ce qu’on peut apprendre de ces zones affectées, de ces formes de résister à la prédation, même dans ses formes extrêmes. La zone de troc me paraît être une alternative pour repenser notre lien au vivant.       

Comment envisages-tu Zone de troc spécifiquement pour Bruxelles ?         
Mon travail est de transformer la réalité. Les espaces que je propose sont ouverts, se veulent des lieux de frottements, des points de connexion pour des liens. C’est pour ça que je pars d’un salon de coiffure existant et de la place Sainte-Catherine à Bruxelles, donc de lieux vivants, avec lesquels il faudra négocier, prendre en compte ce qui est déjà en cours. Je suis animée par la dimension narrative du réel. Zone de troc cherche à susciter une utopie agissante, où les habitant·es engendrent des rencontres pour « retarder la fin du monde », comme l’écrit si justement Ailton Krenak. Il y a une urgence à regarder ensemble le destin du monde. La précarité du lien est visible à de nombreux endroits – il faut la regarder en face. À partir de cette réalité affectée, on peut se demander comment on peut rompre avec la dystopie pour panser cette terre abimée.

Présentation: Kunstenfestivaldesarts-CENTRALE for contemporary art

Conception, réalisation : Pélagie Gbaguidi | Dramaturgie : Dominique Pattuelli | Architecte : Lydia Antoniou | Coordinatrice artistique : Katerina Nikou | Avec la participation de : Filip Van Dingenen, Katerina Nikou, Fars Coiffure, Globe Aroma, Celia Lutangu, Yi Zhang, Marianne Borremans, Alexandre Dewez, Ophélie Mac, Aurélien Leforestier, Dominique Pattuelli, Care and Queer, Lietje Bauwens et Wouter De Raeve (431) | Commande et production de Kunsfenstivaldesarts | Coproduction : CIFAS - Centre international de Formation en Arts du Spectacle | Avec le soutien de la COCOF & de CENTRALE for contemporary art

→ see also: Stream of Thoughts
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