11 — 15.05

Carolina Bianchi, Carolina Mendonça São Paulo-Amsterdam-Bruxelles

We do not comfortably contemplate the sexuality of our mothers

performance

Movy Club

Accessible pour des personnes en chaise roulante avec assistance | Portugais, Français → NL, FR, EN | ⧖ 1h15 | €16 / €13 | Ne convient pas aux enfants | Contient de la nudité et des références à des agressions sexuelles

Peut-on comprendre l’œuvre d’un·e artiste sans connaître son récit personnel ? Pour cette commande du festival, les metteuses en scène Carolina Bianchi – qui a marqué le dernier Festival d'Avignon – et Carolina Mendonça ont engagé une conversation avec l’œuvre de la cinéaste et écrivaine Chantal Akerman. Pourquoi sommes-nous si intéressé·es par le vécu d’autres personnes ? Dans Ma mère rit, Akerman citait « Ma vie, je n’ai pas de vie. Je n’ai pas su m’en faire une ». Selon Bianchi et Mendonça, la vie personnelle des femmes artistes est souvent scrutée au point d’éclipser leur travail. Le processus d’écriture autobiographique, la sexualité et l’hérédité sont le point de départ du dialogue qu'elles entreprennent avec Akerman, mais aussi d’une enquête sur les femmes artistes de générations précédentes et sur une vision élargie des relations maternelles, deux concepts cruciaux dans leurs parcours artistiques. Présentée dans un cinéma abandonné, cette performance intime associe des références à Ma mère rit, les mémoires rédigés par Akerman lorsqu’elle prenait soin de sa mère malade, avec des références au film Les Rendez-vous d’Anna, dans lequel elle passe une nuit avec sa mère dans un hôtel près de la gare du Midi. Une performance inspirée par la figure d’Akerman, présentée à quelques rues de cette même chambre d’hôtel.

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ÉCRIRE

Clarice Lispector soutient qu’écrire, c’est faire dire au mot ce qu’il n’est pas. Il est donc possible que l’écriture soit l’écriture de ce qui ne peut être dit. Écrire comme un conflit. Écrire pour regarder. C’est par le conflit de l’écriture que commence cette rencontre avec Chantal Akerman. Son cinéma est un conglomérat d’écritures, partout. Tout y est écrit, tout le temps. Ses textes parlent sans cesse du désir constant d’écrire. D’articuler les mots de l’événement. Après tout, elle le dit elle-même, «sans écrire, je ne peux pas». Moi non plus, Chantal. Ce que nous partagerons au cours de l’heure qui suit est le résultat de cette approximation et de ce que cette rencontre peut révéler, rendre visible. Et révéler, c’est parfois lire à haute voix, même dans l’obscurité, ce qui (soi-disant) ne peut pas être dit.
Carolina Bianchi

FAIRE DU CINÉMA

Un homme s’assoit à la table voisine, là où se trouvait l’homme qui mangeait des croissants. Il arrive avec un lan- dau dans lequel se trouve un tout petit bébé.
Serait-ce un nouveau-né? Je ne sais pas calculer l’âge des bébés, ni des enfants. Il commande un Coca-Cola et, avec de l’eau et une poudre blanche, prépare un biberon avec lequel le bébé s’amuse longtemps. Au téléphone, il dit à quelqu’un·e qu’il reprend le travail lundi et qu’“Alice” recommence demain.
Je fais une pause cigarette, j’ai envie de regarder davantage autour de moi, d’élargir mon champ de vision. J’ai plus l’impression de regarder le journal que le monde extérieur.
Une femme court pour attraper le bus 86, un autre déjà. Ils passent souvent. 3 minutes ? 5? Je ne pense pas que la femme y arrivera, sa course est lourde, mais elle arrive à temps et me surprend avec un bond agile et aérien à l’intérieur du bus. Une autre femme, vêtue d’une casquette grise, d’un short et d’un débardeur beige avec une ceinture noire prend une photo de l’église. Elle est à la limite de l’ombre de l’édifice, qui occupe une grande partie de la place, éclairée par le soleil. Tout autour d’elle semble bouger et cet instant d’immobilité la transforme en une ligne verticale qu’il est bon d’observer. 
Un jeune en T-shirt aux couleurs de l’arc-en-ciel marche près de la fontaine. Il me fait comprendre qu’il n’y a pas beaucoup de couleurs autour de moi. Le vert des arbres, le parasol. Le beige de la fontaine, l’église et les vêtements des gens. Un homme noir a traversé la rue il y a quelques minutes. À part lui, tout le monde sur cette place est blanc, contrairement au quartier où j’habite. Un groupe de touristes arrive à vélo, s’arrête entre l’église et la fontaine, et écoute un homme circulant également à vélo qui pointe dans différentes directions, chorégraphiant les regards de ceux·celles qui l’accompagnent.
Alice arrive enfin à la table voisine. Elle est également venue à vélo. Elle prend immédiatement le bébé et son mari s’excuse pour quelque chose, montrant sa main avec un morceau de papier toilette froissé et tâché de sang. La couleur du sang rouge vif, éclairée par le soleil, me reste en mémoire. Alice ne réagit guère et complimente la façon dont le bébé est habillé. Elle commande un Perrier et iels restent assis·es en silence pendant un certain temps.
Trois feuilles d’arbre jaunes tombent, presque au ralenti, juste devant moi. Je porte un débardeur, une jupe et des sandales, mais je sais que cela ne durera pas longtemps.
Carolina Mendonça

Présentation : Kunstenfestivaldesarts, Movy Club
Création interpré tation : Carolina Bianchi & Carolina Mendonça | Textes : Carolina Bianchi | Mise en scène : Carolina Bianchi | Dramaturgie et supervision des traductions : Larissa Ballarotti | Vidéo : Montserrat Fonseca Llach | Création lumières : Jo Rios | Photo et soutien artistique : Luisa Callegari | Production et distribution : Carla Estefan – Metro Gestão Cultural 
Commandé et produit par Kunstenfestivaldesarts
Avec le soutien du KVS
Remerciements : Ella De Gregoriis, Luisa Callegari, Eduardo Bordinhon, AnaCris Medina

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